POTICHE-La revanche d'une blonde-

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Catherine Deneuve. Mars Distribution
Catherine Deneuve, Judith Godrèche et Karin Viard. Mars Distribution

En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l’épouse popote et soumise d’un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d’une main de fer et s’avère aussi désagréable et despote avec ses ouvriers qu’avec ses enfants et sa femme, qu’il prend pour une potiche.

Vu en avant-première à l'UGC Ciné-Cité des Halles, en présence de son réalisateur, François Ozon, et ô surprise inattendue!, de la divine Catherine Deneuve (quelle joie de la voir apparaître contre toute attente, la salle s'est mise debout pour applaudir cette grande actrice!), avec aussi la présence de Judith Godrèche et d'un des co-auteurs de la pièce, Pierre Barillet-
En effet ce film est la libre adaptation de la pièce de théâtre,  Potiche, de Barillet et Grédy.
Les deux auteurs de cette pièce l'avaient créé en étant inspiré par l'actualité d'époque,  lorsque Jacques Chirac avait été élu maire de Paris, alors sa femme Bernadette avait précisé qu'elle ne souhaiterait pas demeurer une potiche à ses côtés.
Ozon, tout en gardant pour le visuel l'époque des années 70,  l'a bien évidemment ancrée dans l'air du temps, dans la modernité sociale et politique, avec multiples allusions au pouvoir en place, comme la reprise du fameux "casse-toi pov'con" ou "travailler plus pour gagner plus", également la référence à Ségolène Royal avec le personnage de Catherine Deneuve, et lorsque, élue député, elle apparait à la fin tout de blanc vêtu en interprétant (magnifiquement d'ailleurs) la mythique chanson "C'est beau la vie" de Jean Ferrat, on ne peut qu'y référer!
Cette fable sociale sur l'ascension et l'émancipation féministe, souvent cruelle et mordante dans son fonds, a le mérite de marquer par la légèreté de son aspect formel, tout en plaisir visuel et aussi tout en plaisir des mots, et pourtant jamais le côté théâtral du récit ne vient plomber le scénario, Ozon sait, encore plus que dans "8 femmes", apporter une fluidité cinématographique rafraichissante et donner une forme épatante à son histoire, évitant l'inévitable piège du théâtre filmé, tout en y gardant ce côté kitsch, sans forcer le trait et sans trop appuyer sur la reconstitution d'époque (on pourra regretter cependant que la bande-son soit si pauvre en chansons, mais est-ce perso et nostalgique peut-être?). Heureusement si cette reconstitution est finalement assez sobre du plan de la mise en scène, pas trop ostentatoire, elle apporte au récit un aspect vintage assez détonant, avec toute la nostalgie d'une époque (ma propre jeunesse!)  qui parait aujourd'hui bien désuète tout en conservant ce charme rétro magnifiquement représenté ici.
Dès les premières images du film, en voyant Catherine Deneuve en survet rouge faisant son footing dans la forêt et s'émerveillant de la nature et des animaux, on sait qu'on rentre dans un esprit particulier, un peu comme dans un conte, à la fois enfantin et espiègle! Osons avec Ozon!
Le ton est lancé, on sait à quoi s'attendre ou plutôt on peut s'attendre à tout!
Puis la mécanique boulevardière se met en place, avec ses personnages très caricaturaux, autant dans les caractères que dans les coiffures, les costumes, les attitudes, le patron inflexible, qui prend sa femme pour une potiche, le fils qui évolue vers l'homosexualité, la secrétaire amoureuse de son patron, etc...
On n'oubliera pas la scène où, après avoir pris la place de son mari alité comme patronne, Suzanne Pujol descend l'escalier habillée comme une jeune princesse se rendant à un bal pour rencontrer ses ouvriers en grève, avec tous ses colliers autour du cou, " Mme Pujol, vous pouvez pas vous présenter aux ouvriers habillée comme ça !" lui balance un syndicaliste! et la nouvelle patronne de répondre: "Vous trouvez que ça fait trop avec les bijoux ? Mais enfin, c'est tout de même grâce à eux que j'ai tous ces beaux bijoux. Ils ont le droit d'en profiter, après tout !" drôle, car fin et bien senti , déjà culte!
Alors parlons des acteurs, Ozon a réuni un casting royal: d'abord l'immense Catherine Deneuve, en potiche imposée par son mari qui peu à peu prend sa revanche et le pouvoir, s'échappant enfin de sa prison apparemment dorée mais pourtant peu reluisante pour elle,  révélant aussi un passé amoureux inattendu, l'actrice, avec ce rôle qui marquera à coup sûr sa carrière (au moins un César je pense!),  révèle un potentiel comique (qu'on avait déjà entrevu ces dernières années) épatant, osant casser son image et prouvant qu'elle peut tout interpréter!Et en arrivant, malgré le presque ridicule des coiffures et des tenues, à garder toute son élégance et toute sa classe indestructibles.Une vraie star!
A ses côtés, en superbes faire-valoir,  les épatants Fabrice Luchini (énorme mais tellement jouissif en mari et patron odieux!) et Karin Viard apportent eux toute leur fantaisie naturelle, leur peps, leur énergie de comédien, leur sens du dialogue et de la répartie, à leurs personnages eux aussi haut en couleurs, et qu'ils ont apparemment pris un plaisir communicatif à interpréter, plus l'intense Gérard Depardieu, dans son rôle, de député communiste, moins comique, plus dans l'émotion simple, souvent touchant, plus sobre qu'à l'accoutumée, dans la nostalgie presque, et on sent qu'Ozon l'a choisi aussi pour son histoire professionnelle avec Catherine Deneuve, et on n'oubliera pas les scènes de rencontres entre les deux personnages, autrefois amants, qui sont tout en charme et élégance, presque mélancoliques, à l'image de cette scène de danse improvisée dans la boîte, où en quelques mouvements de leurs corps, plus un baiser esquissé, tout devient si léger, presque aérien entre les deux immense acteurs.
Excellents et superbes aussi sont les jeunes de la famille, d'abord  Jérémie Rénier, en fils se révélant peu à peu homosexuel, évoluant avec ses coiffures (avec celle du début on croirait voir Claude François!) et ses attitudes, puis Judith Godrèche, très belle, tout en douceur (et en chevelure!) en fille un peu réac se ralliant à son père par intérêt personnel.Plus des apparitions sympas comme celle de Bruno Lochet en syndicaliste à la Bové ou celle fugace de Sergi Lopez en routier!
Cette alternance entre comédie pure, très vaudevillesque parfois, matinée d'un kitsch acidulé jouissif, et des scènes plus entre charme et émotion, plus les références à la fois sociales et cinématographiques, forment  un bel alliage pour une comédie hors-normes très réussie, pleine de couleurs, de folie gaie, mais aussi parcourue de charme et d'insolence légère!Qu'on a envie de revoir et de re-savourer avec plaisir!
Certainement la meilleure comédie française de l'année, et surtout un vrai soleil, réjouissant, salutaire, un coup de coeur pétillant et décapant dans ce triste automne cinématographique qui tardait à nous enchanter!





MA NOTE: 16/20


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